Densité du bâti et végétal, quelles solutions ?

Enquête - Le 23 juin 2023



Montrouge, allées Jean Jaurès. © Pena Paysages.


Végétaliser oui, mais comment ? Au-delà du traditionnel jardin ou parc, comment intégrer les plantations à proximité, voire en symbiose avec les bâtiments ? Alors que la densité urbaine ne fait que s’accroître, comment gérer les contraintes de la nature en ville et expérimenter de nouvelles techniques ?

 

« Beaucoup de nos concitoyens ont encore peur de la nature en soi et négligent ses besoins. Ils n’aiment ni les adventices, ni les feuilles qui tombent. On le voit dans certains jardins privés où s’affairent parfois des fanatiques de la taille en cube et du gravier blanc, comme dans la villa de M. et Mme Arpel. Cela demande beaucoup de pédagogie, dès l’école, pour mieux accepter la cohabitation avec d’autres mondes vivants que le nôtre. », explique Michel Audouy, spécialiste de l'histoire du paysage et paysagiste concepteur.

 

Développer la végétation interstitielle

La densité urbaine appelle à planter davantage les vides de la ville mais c’est paradoxal ! À côté des traditionnels espaces plantés que sont les rues, les places ou les parcs, il faut désormais s’approprier de nouvelles réserves foncières, tant publiques que privées. Si ces dernières années, de nombreuses villes ont commencé à « débitumer » certaines voiries au profit des espaces verts, la réserve foncière la plus importante réside à présent dans les espaces privés : les cours à planter et les jardins à préserver. « Dans les deux cas, l’objectif est de prolonger dans les interstices de la ville le réseau d’espaces plantés publics et de contribuer ainsi à toutes les échelles (l’îlot, le quartier, la cité) à réduire les îlots de chaleur et à favoriser la biodiversité, bénéfices entre autres de la présence du végétal en milieu urbain. », poursuit Michel Audouy. Même un arbre unique dans une cour jusque-là minérale a son rôle à jouer. Ces plantations contribuent aussi à prévenir les inondations et/ou à atténuer la pollution atmosphérique et phonique.

 

Intégrer les contraintes

De manière générale, les contraintes liées à une végétalisation de proximité sont essentiellement d’ordre technique : racines / branchages (inadéquation des plantations avec le volume de sol ou aérien disponible), humidité, ombre en hiver… Il faut intégrer les paramètres agronomiques et urbains au cas par cas en amont des projets si on veut éviter dans le temps le tronçonnage des arbres ou les tailles abusives, sans compter le désamour des riverains.

 

Que planter ?

Tout… Dès qu’on le peut et selon les espaces disponibles : plantes grimpantes le long des murs, arbres ou arbustes lorsque la place est suffisante, prairies dans les délaissés... La désimperméabilisation de certains espaces – autrefois dédiés au stationnement ou à la circulation – doit permettre de créer de nouvelles zones de plantations, à condition de veiller à ce que ce type d’aménagement soit quasi autonome en matière d’arrosage. Cela suppose en particulier de mettre en place des systèmes de récupération des eaux pluviales et de recourir à des plantes résistantes au déficit hydrique.
Il faut autant que possible planter dans les sols et non sur dalle, surtout pour les arbres, afin de procurer une majeure autonomie à la végétation. Certaines villes, en inscrivant la protection des sols dans leur PLU, foncier privé comme public, semblent avoir pris la mesure de l’enjeu. S’il n’y a pas de sol disponible, on peut avoir recours à la végétalisation des toitures, comme dans le cas du groupe scolaire Aimé Césaire de l’île de Nantes ou du gymnase des Vignoles à Paris. Attention toutefois, plus les systèmes sont sophistiqués, plus il faut prendre la mesure de leurs particularités (choix réfléchi des essences, diversification des espèces, consommation d'eau ou d'engrais, fiabilité du système d'irrigation, stress etc.) et se doter de compétences adaptées en termes de gestion.

 


À gauche : Montrouge, allées Jean Jaurès. © Pena Paysages. À droite : Exemple de bandes végétales associées à des noues sur un parking (38). © Epode ingénierie - A.d'Argentré.

 

Repenser la gestion de l’eau et des sols

C’est la gestion conjointe de l’eau et des sols qui va assurer la bonne croissance des végétaux et leur pérennité. Les arbres notamment se développeront d’autant plus qu’ils pourront explorer des sols profonds, fertiles, où ils trouveront davantage d’humidité. L’idéal est d’associer la gestion de l’eau aux systèmes de plantation par la création de zones de sols perméables plantés (en général des noues) qui absorbent le trop-plein en cas de pluies abondantes. C’est l’exemple même d’un double usage où l’eau qui tombe sur la voirie est immédiatement utile aux plantes en termes de stockage et de rafraîchissement du sol. Les végétaux qui bénéficient de ces situations passent généralement mieux l’été. « Dans les prochaines années, Il va falloir multiplier les systèmes de récupération d’eau, soit dans des citernes pour arroser pendant la période sèche, soit directement dans des zones plantées aménagées pour recueillir l’eau en provenance des surfaces minérales. », précise Michel Audouy qui conclut « On ne peut pas envisager une ville verte, où la végétation a un effet de régulation climatique, si on ne l’installe pas dans de bonnes conditions de sols et d’arrosage. ».
Faire coexister la nature en ville avec les activités humaines n’est pas anodin…