« Nous adaptons nos protocoles d’entretien selon les spécificités de l’espace et dans le respect de la biodiversité. »

Point de vue - Le 29 juin 2021



© Groupe Loiseleur.

Delphine Coulon est directrice de Groupe LOISELEUR Grand Paris Ouest, filiale du Groupe LOISELEUR, une entreprise familiale indépendante de paysage créée en 1927 et acteur de référence dans les prestations en aménagement et entretien d’espaces paysagers, terrains de sport, paysages d’intérieur, arrosage et recyclage. Elle détaille pour nous les atouts et les évolutions récentes liées à la gestion différenciée.

Comment définiriez-vous la gestion différenciée des espaces verts et quels sont ses intérêts principaux ?

C’est une pratique de développement durable génératrice d’entretien et de lien social différents de la gestion traditionnelle (j’y inclus aussi l’écopâturage). Elle permet d’optimiser les ressources humaines, de s’adapter à la réalité des moyens de gestion des collectivités – en revalorisant les coûts d’une autre manière –, de proposer aux maîtres d’ouvrage une approche d’expert de la biodiversité végétale, et, in fine, de sensibiliser le grand public à l’environnement. Même si dans ce dernier cas, ce sont davantage les collectivités qui ont la main. Cette pratique s’adapte à toutes les échelles et peut commencer par une « simple » tonte raisonnée.

 

Aménagement d’un boulevard urbain à VernonComment gérez-vous l’installation puis l’entretien des espaces concernés ?

La gestion différenciée suppose d’adapter l’entretien en fonction de l'usage dévolu à des zones précédemment définies. Il convient donc de réaliser en amont une analyse du terrain pour déterminer la nature du sol et son exposition, la fréquentation, les besoins (lieu de passage, de détente, ombragé…). À partir de ces constats, à chaque espace correspondra une utilisation précise : de la prairie au gazon en passant par la pelouse et toutes les strates intermédiaires. L’objectif étant de retrouver, voire de créer, un circuit autonome où pourront cohabiter dans un même écosystème les hommes, les animaux et les végétaux.



Aménagement d’un boulevard urbain à Vernon (27). © Groupe Loiseleur.

 

Appliquez-vous un plan de gestion différenciée ?

Dans la mesure du possible, oui. Mais nous sommes dépendants des cahiers des charges des appels d’offre. Les collectivités sont cependant la plupart du temps à l’écoute et ouvertes aux suggestions. Il arrive ainsi qu’à budget égal nous puissions proposer des alternatives et faire évoluer la demande.  
Le curseur économique reste indéniablement la clé pour combiner l’ensemble des facteurs.

 

Quels sont les points de vigilance ?

Quelle que soit la solution retenue, l’enherbement prend du temps. Il faut 2 à 3 ans pour mettre en place un dispositif complet de gestion différenciée (on peut même arriver à 4 ans avec l’écopâturage). D’où la nécessité de contrats pluriannuels. Un autre point important concerne l’eau, un paramètre qui doit absolument figurer à travers des récupérateurs ou des bassins d’orage par exemple. J’ajouterais enfin que l’obligation du zéro phyto a une incidence en termes de coût puisqu’elle implique le retour à des engins mécaniques et à davantage de travail manuel.

 

Comment effectuez-vous le choix des végétaux pour les espaces enherbés ?

Nous sommes amplement revenus à des essences locales, plus résistantes aux aléas climatiques. Nous avons la chance en France de disposer d’une large palette que nous personnalisons au cas par cas dans le respect du cycle de vie des plantes et dans leur étagement. Il est aussi intéressant de laisser pousser et de voir ce qu’il se passe… Lorsque les phases de floraison suivent leur cours jusqu’au bout grâce à une fauche tardive, on a souvent de belles surprises. Les orchidées sauvages notamment sont en plein essor !

 

Parmi les différents usages d’espaces enherbés, quels sont ceux sur lesquels vous intervenez le plus ?

Les parcs et jardins sont en première ligne, suivis par les cimetières qui ont bien évolué vers ces pratiques ces dernières années. Les espaces intermédiaires (pieds de bâtiments, trottoirs, caniveaux) sont plus en retrait. Une herbe qui pousse y est encore généralement assimilée à une mauvaise herbe par définition. Là le discours devient plus politique, mais il évolue petit à petit… Les terrains de sport1 constituent le dernier obstacle et nécessitent une réflexion à part, d’autant plus si l’interdiction des pesticides se confirme au 1er juillet 20222.

 

Avez-vous noté chez vos clients un recours plus important aux surfaces enherbées post confinement ?

Le côté champêtre a certainement été mis en exergue même si la tendance était déjà présente avant. En ce moment les gens sont ravis d’avoir des coquelicots, même s’ils ne comprennent pas forcément qu’on ne peut pas avoir un fleurissement constant toute l’année. Un espace « naturel » requiert beaucoup de travail et une continuité de suivi sur plusieurs années avec la part de décision qui revient à la nature elle-même, à la météo, au climat etc. Il y a encore du travail à faire en termes de pédagogie…



1 Cette catégorie comprend les terrains de grands jeux (en gazon naturel, gazon hybride ou synthétique), mais aussi les parcours de golf, les aires de jeux, les sols équestres, les terrains de tennis etc.
2 Dans le prolongement de la loi Labbé votée en 2014, la limitation de l’usage des produits phytopharmaceutiques s’étendra alors à certains types d'équipements sportifs dont l’accès n’est ni réglementé, ni maîtrisé, ni réservé aux utilisateurs. Les terrains de grands jeux, les pistes d'hippodromes ou encore les golfs ne devraient être concernés qu’au 1er janvier 2025.


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