Mazargues : une forêt urbaine au cœur de Marseille

Point de vue - Le 14 avril 2022



Perspective aérienne des résidences de Mazargues (13). Avant/Après. © TEM.

Paysagiste concepteur de l’agence TEM, Éric Giroud a piloté le projet de forêt urbaine des résidences de Mazargues dans le 9e arrondissement de Marseille : 280 arbres et 340 arbustes et graminées sur un espace de 7700 m2. Spécialiste de la nature en ville, il revient sur les étapes et les enjeux de ce type de plantation.

Comment est né ce projet et comment avez-vous été impliqué en tant que paysagiste ?

Cet aménagement est le fruit d’une décision politique du maire de secteur qui est aussi président du bailleur social 13 Habitat. Il répond à une demande toujours plus forte d’espaces non bétonnées de la part des habitants et à la volonté de créer des îlots de fraîcheur. Nous y avons été associés dès le début par nos contributions et nos prises de parole sur la nature en ville.
Nous nous sommes insérés dans une réserve foncière sans usages prédéfinis à l’exception d’un emplacement réservé à la réalisation d’une route. Nous avons modifié l’affectation de cette parcelle afin de l’aménager différemment et, en l’occurrence, y créer une forêt urbaine qui permette une connexion douce entre les quartiers.

 

Pourquoi une forêt plutôt qu’un parc ou un jardin ?

Le parc va se définir par plusieurs espaces qui ne sont pas forcément plantés d’arbres : des clairières, des prairies, des espaces de repos ou des jeux pour les enfants… La mythologie associée à la forêt nous intéressait davantage au sens où elle est fortement liée à la notion de nature telle qu’on souhaitait l’amener en ville. Bien sûr, il s’agit ici d’une nature fabriquée de toute pièce puisque par définition les arbres d’une forêt ne poussent pas en milieu urbain de façon spontanée et qu’il faut aussi intégrer de l’arrosage. Nous voulions en quelque sorte esquisser une forêt qui, à terme, devrait être autonome. Le terrain nous offrait également un large spectre de perspectives : les contraintes habituelles du sous-sol en milieu urbain, liées à la présence de réseaux, voirie, gravats, qui auraient pu nous limiter, n’y étaient pas présentes. Nous disposions donc d’un sol profond favorable à des plantations de grande ampleur. Sur site, certains arbres atteignent déjà 5 à 6 mètres de haut.

 

Comment avez-vous géré les plantations et choisi les essences ?

Nous avons mûrement réfléchi à ce que pourrait être une forêt urbaine dans un contexte paysager urbain qui n’appartient ni à la colline, ni à la campagne. Notre choix s’est fait selon plusieurs critères. D’abord, la prise en compte d’une résidence avec des riverains dans une ville telle que Marseille. Alignement de plantations, février 2022. © TEMPuis, la sélection d’arbres au feuillage caduque qui laissent passer le soleil en hiver et assurent un ombrage maximal en été. Ensuite, la volonté d’intégrer des essences fruitières dans une optique de cueillette. Et, enfin, rassembler des essences variées (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Australie…) qui reflètent par ailleurs l’hétérogénéité humaine du quartier. De ce brassage, nous avons retenu à la fois des végétaux acclimatés de longue date comme l’acacia (introduit au 17e siècle) et des végétaux locaux emblématiques de la Méditerranée comme le micocoulier, le figuier ou le frêne. Les espaces ont été structurés avec des bosquets regroupant plusieurs essences. Nous avons aussi réalisé un travail sur la lumière en alternant et en mélangeant des feuillages de taille différente pour obtenir un couvert végétal avec un ombrage de différente qualité.

Alignement de plantations, février 2022. © TEM.


Quel entretien avez-vous prévu ?

Compte tenu des aléas climatiques propres à la région, nous avons implémenté un arrosage systématique en été et adapté en fonction des moments de sècheresse, car le site ne comprend pas de citernes. L’idée est de diminuer progressivement les besoins sachant que les espèces retenues ont globalement de faibles exigences en eau et qu’elles seront capables de se débrouiller seules d’ici deux à trois ans. En cas d’excès de pluies en revanche, un drainage naturel s’effectue vers un ru au fond du terrain.
Toutes les plantations – dont nous espérons qu’elles vont prospérer – seront terminées fin avril 2022. Les arbres, bénéficiant de suffisamment d’espace pour se développer, n’auront pas besoin d’être taillés. En complément, en partie basse, des arbustes accompagnent les cheminements.

 

Un mot pour conclure ?

Notre agence fait le grand écart avec des projets portant à la fois sur des sites naturels sensibles et des espaces très urbains. Cette double casquette nourrit constamment nos réflexions sur les liens à tisser entre la ville et la nature.
L’arbre n’est pas un simple mobilier urbain, mais une composante naturelle de la ville qu’il est nécessaire d’accompagner ! En Allemagne, il existe un suivi personnalisé des éléments ligneux (date de plantation, tailles, traumatismes éventuels…). Chaque spécimen est numéroté et connu de la collectivité. Quelques grandes villes françaises s’y sont mis, comme Paris ou Lyon. Il me semble que ce type d’outil est à encourager afin d’avoir une meilleure connaissance et gestion de son patrimoine arboré et, par conséquent, de favoriser son développement et sa croissance.