Le ferroviaire acteur de l’aménagement du territoire et du développement durable

Enquête - Le 26 octobre 2021




Gare de Saint-Quentin (02). © Thierry Lewenberg-Sturm.

À la ville comme à la campagne, les infrastructures ferroviaires, par leurs spécificités techniques et leurs fortes contraintes d’exploitation et de maintenance, requièrent une approche particulière du paysage. De l’entretien de la voie aux aménagements urbains de grande ampleur en passant par la végétalisation des abords de gare, revue de détails.


3 000 gares, 8 280 communes traversées par une voie ferrée circulée, 34 000 hectares de voies, 125 000 hectares d’emprises ferroviaires… La gestion et l’aménagement de cet immense parc foncier représentent un triple défi, tant pour les équipes internes de SNCF Réseau que pour les élus locaux concernés.

 

Une gestion raisonnée au quotidien

La maintenance du Réseau Ferré National (RFN) est encadrée par SNCF Réseau, dont la mission première est de garantir la régulation de la circulation et l’entretien des abords de voies tout en préservant la sécurité des passagers et des riverains. Une mission qui s’intègre dans une démarche globale de développement durable et évolue aujourd’hui avec une meilleure adéquation entre aspect esthétique et qualitatif, comme l’explique Loïc Pianfetti, paysagiste-concepteur et responsable du pôle Paysage et Biodiversité1 (Lire l'interview de Loïc Pianfetti).

Membre du CILB2, la SNCF a rejoint en 2018 l’initiative Act4Nature3 et formé depuis 500 de ses agents à la biodiversité. Sur les 15 engagements signés, deux se concentrent spécifiquement sur le végétal, à savoir la protection et la gestion sélective des plantes invasives et la végétalisation des gares et sites ferroviaires.
En ce qui concerne les traitements phytosanitaires sur les voies et à ses abords, SNCF Réseau s’est engagé à sortir de cette solution controversée dès la fin de l’année 2021. Différentes solutions de remplacement du glyphosate ont ainsi été expérimentées : l’ensemencement choisi pour développer une végétation basse limitant la pousse de végétaux envahissants, la pose de géotextiles pour prévenir la pousse de la végétation ou encore l’éco-pâturage pour entretenir une partie des abords des voies avec poneys, moutons, chèvres et vaches.

La maintenance du réseau est pilotée par le pôle Maîtrise de la Végétation (MV) du Département Voies et Abords de la Direction Générale Industrielle et Ingénierie de SNCF Réseau dont le responsable est M. Jean-Pierre Pujols.

 

Un défi de recomposition des espaces

Hormis les chantiers de maintenance de l’infrastructure pilotés par le pôle Maîtrise de la Végétation, de nombreux projets d’aménagement concernent tant le développement du réseau, les bâtiments de maintenance que les gares, aspects les plus visibles et les plus connus du grand public. En zone dense, ils prennent en compte les importantes interconnexions avec le tissu urbain. C’est le cas par exemple à Nantes où les espaces nord de la gare, délaissés et insérés dans un univers très routier, ont fait place à 3,5 hectares végétalisés. Sous l’égide de Nantes Métropole et en collaboration avec l’agence Phytolab, une partie a été rendue aux piétons avec un accès beaucoup plus fluide et facilité vers le centre-ville et le château, le tramway a été requalifié et « le Jardin des Plantes, acteur botanique historique de la ville, a été littéralement invité à sortir de ses murs », indique Christophe Cozette paysagiste concepteur associé responsable du projet. « La nouvelle gare-pont conçue par Rudy Ricciotti et Forma 6 a constitué parallèlement un élément déterminant qui a nourri et encouragé les efforts sur les espaces publics attenants. » Les aménagements extérieurs ont ainsi été intégrés en cohérence avec les changements de flux entre les différentes sorties du bâtiment, l’entrée du Jardin des Plantes et les plateformes désormais engazonnées du tramway. « L’équilibre entre les surfaces minérales – nécessaires au vu des très nombreux passages du lieu – et les surfaces végétales a été prépondérant avec en ligne de fond le souhait de laisser la plus grande place possible au vivant ». Parvis nord de la gare de Nantes (44). © Christophe Cozette.Sept « éclats botaniques » de plusieurs centaines de m2 ont ainsi été créés. Ces îlots, dédiés chacun à une thématique (oriental, austral, piquant, etc.), sont pour certains traversant tandis que d’autres sont délimités par du mobilier à double emploi (bancs, tables) qui maintiennent les gens à distance des plantations tout en rendant plus accueillant les abords de gare et en les transformant en une salle d’attente à ciel ouvert. L’un de ces éclats est « perché » au-dessus d’un abri à vélos et, enfin, un dernier espace fait la jonction avec le canal de l’Erdre. Le nouveau parvis, devenu une vraie place de vie, est sans conteste une belle réussite d’intégration et de fluidité des parcours urbains. Même un ouvrage comme le « parking silo » a été réinvesti et végétalisé. « Une gare est avant toute chose une porte de découverte sur une ville ou un centre-ville. Son potentiel de valorisation et de révélation est extraordinaire », s’enthousiasme Christophe Cozette.

 


Parvis nord de la gare de Nantes (44). © Christophe Cozette.

 

Un défi de requalification des quartiers

Le ferroviaire permet également de créer ou de recréer des liens entre des énergies et des ressources souvent éparpillées entre le bâtiment de la gare, les quais, le parvis, les voies, les parkings etc. À la gare de Bécon-les-Bruyères à Courbevoie (92), impulsée par la réhabilitation et la mise en accessibilité de la gare portées par SNCF Gares et Connexion, filiale de SNCF Réseau et Île-de-France Mobilités (ex STIF), la démarche communale de requalification s’est inscrite dans un cadre urbain plus large visant à faciliter la gestion des flux piétonniers, améliorer les dessertes, mettre en valeur le patrimoine architectural et, bien sûr, renforcer la présence du végétal. « La revalorisation s’est notamment appuyée sur une gestion plus durable de l’eau via des massifs légèrement décaissés pour récupérer les eaux de ruissellement et la multiplication des essences avec l’emploi de cépées », explique Christian Maillard, directeur des Espaces verts et de l'Environnement de Courbevoie. Extrêmement fréquentée avec une moyenne de 55 000 voyageurs/jour, la place de la gare offre désormais un espace de vie renouvelé pour le quartier et ses habitants conscients d’une réelle plus-value car le végétal a remplacé les places de stationnement. Un jeu de lumière nocturne vient parfaire ce projet qui a été récompensé par une médaille de bronze aux dernières Victoires du Paysage.

Gare de Bécon-les-Bruyères (92). © AME Agence.À petite, moyenne ou grande échelle, le ferroviaire est plus que jamais au cœur des aménagements urbains actuels. Relativement marginalisées à la fin du 20e siècle, ces infrastructures, notamment les gares, sont désormais sur le devant de la scène pour (re)constituer une partie intégrante des paysages dans un meilleur partage de l’espace public entre les différents modes de mobilités. « Les citoyens doivent pouvoir transiter dans la ville mais également depuis tous les territoires, en empruntant des parcours de qualité, depuis leur habitation jusqu’à la gare, que ce soit à pied, à vélo ou en auto… L’assemblage spatial doit comprendre l’ensemble de l’expérience du voyage », conclut Loïc Pianfetti.

Gare de Bécon-les-Bruyères (92). © AME Agence.

 

1 Département Développement Durable de la Direction Générale Industrielle et Ingénierie de SNCF Réseau.
2 Club des Infrastructures Linéaires & Biodiversité.
3 Une initiative d'engagement volontaire en faveur de la biodiversité destinée aux entreprises internationales françaises.

« Le chemin de fer est un élément fortement structurant et moteur de paysage. »

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Point de vue - Le 26 octobre 2021

Paysagiste concepteur DPLG et responsable du pôle Paysage et Biodiversité chez SNCF Réseau, Loïc Pianfetti travaille au quotidien avec son équipe, le paysage lié aux espaces ferroviaires. Entre contraintes techniques, fonctionnelles ou urbaines, il nous livre son approche du métier.

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Questions-réponses - Le 26 octobre 2021

Composante du cahier des clauses techniques générales (CCTG), le nouveau fascicule 35 publié le 9 octobre dernier, a pour objectif d’assurer la qualité et la pérennité des projets publics et privés.

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