« Sans folie, il n’y a pas de génie ! »

Louis Djalai, directeur des parcs et jardins de Boulogne-sur-Mer
Point de vue - Le 05 mars 2020



Louis Djalai. © DR.

Le directeur des parcs et jardins de Boulogne-sur-Mer, Louis Djalai, est aussi la tête pensante du célèbre jardin éphémère annuel. Entre folie, audace et goût du détail, il partage son point de vue sur cet aménagement original qui participe au renom de la ville.

Pouvez-vous revenir sur sa création ?

C’est en 2006 que Monsieur Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer, m’a fait part de son désir d’enlever les voitures sur le parking situé devant la mairie en plein cœur de la Vieille Ville, centre historique de la cité. Après quelques échanges d’idées, je lui ai proposé dans un 1er temps d’installer juste quelques bacs fleuris et végétalisés en hors-sol afin de connaître la réaction des riverains. Après cette première expérience concluante, je lui ai proposé l’idée d’un jardin éphémère sur la quasi-totalité de la place. Et c’est ainsi que cette belle aventure a commencé.


En 2009, le jardin éphémère de Boulogne-sur-Mer s’intitulait « Voiture contre Nature ». © 4 L.

Comment se déroule l’organisation d’un événement de cette ampleur ?

Après avoir trouvé le thème du futur jardin, je le propose au maire. Après quelques échanges toujours fructueux avec ce dernier, je commence de mon côté à rentrer dans les détails de conception du futur jardin entre décembre et mars. Puis à partir du mois d’avril, commence la création des éléments de décor par les jardiniers du service des espaces verts. L’installation du jardin sur la place Godefroy-de-Bouillon dure entre 1 à 4 semaines et est assurée par 12 jardiniers. L’inauguration a lieu traditionnellement l’avant-dernier samedi du mois de juin en présence de Monsieur le Maire, des élus et du grand public présent sur la place.

Quel est votre budget ?

Le budget qui m’est alloué pour la réalisation du jardin éphémère est de 35 000 € en section d’investissement et de 15 000 € en section de fonctionnement.

Que deviennent toutes les créations exposées après cet événement ?

La partie consommable, comme les fleurs annuelles, sont jetées. Mais les éléments de décor connaissent une deuxième vie : ils sont soit stockés dans nos hangars en vue d’un usage futur – sur un rond-point, par exemple –, soit prêtés à d’autres villes. Depuis quelques années, nous vendons également aux enchères une partie des décors via la plateforme en ligne Webencheres.com pour les mairies. L’argent des ventes est intégralement reversé au service des espaces verts de la ville, constituant une provision pour l’édition suivante.

Quel est selon vous l’intérêt d’un jardin éphémère pour une collectivité ?

Outre l’aspect esthétique qui est primordial, le jardin éphémère peut contribuer au renom d’une ville. Le jardin éphémère de Boulogne-sur-Mer attire plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année : riverains, touristes français et étrangers… Cela s’explique bien sûr par sa qualité esthétique, mais également par sa localisation idéale. Situé au cœur de la Vieille Ville, c’est un lieu de passage immanquable à proximité des musées, des remparts, de la cathédrale ou encore du château… Impossible de ne pas le traverser. Situé au milieu de la place, il est donc ouvert 24h sur 24h. Évidemment, tout cela a des retombées économiques positives pour les commerçants (cafés, restaurants etc…) du centre historique.

Quels conseils donneriez-vous aux élus souhaitant lancer un jardin éphémère dans leur ville ?

Je dirais qu’avec un budget modeste, une mairie peut arriver à créer un jardin éphémère de qualité. Toutefois, il faut réunir quelques conditions préalables : avoir un chef jardinier créatif et un technicien avéré et aventurier, avoir de l’inventivité, un peu de culture, des références historiques, botaniques, etc… et beaucoup de liberté pour pouvoir s’exprimer. Malheureusement trop peu de villes font de « vrais » jardins éphémères en France, à la fois institutionnalisés, thématisés, poussés, avec une forte dimension intellectuelle et culturelle. Le jardin éphémère doit avoir du corps et être le fruit d’une vraie recherche.